samedi 27 mars 2021

Les chiffres du "contentieux Covid"

Du 17 mars 2020 au 17 mars 2021, le Conseil d’Etat a jugé 930 requêtes en référé en lien avec le Covid-19, du 17 mars 2020 au 17 mars 2021.  Ce chiffre est considérable : il équivaut à peu près à 10 % de ce que reçoit chaque année le Conseil d’Etat dans l’ensemble de ses contentieux. Pour simplifier les calculs, tous les chiffres vont être expliqués sur les 930 étant le 100%

Un 30,43 % du total était des requêtes identiques portant sur l'adaptation des règles de l'assurance-chômage pendant la crise. C'est à dire qu'il y eu 283 requêtes sur le même sujet. 

Le reste regroupe 647 ordonnances de référé qui ont été rendues depuis un an. Que c'est-il passé avec le reste, soit 69,57 %.  Un 26,77 % du total a été rejeté sans que l’administration soit invitée à produire une défense parce qu’elles étaient irrecevables ou manifestement infondées (249).

Le 42,69 % (397) a été diligenté par una instruction. Dans 289 de ces 397 (31,08%), une audience a été organisée. Sur ces 397 requêtes, 89 ont été privées d’objet avant que le juge ne rende sa décision. Cela s’explique soit parce que le requérant a renoncé lui-même à poursuivre la procédure, soit parce que, dans la très grande majorité des cas, la personne publique a elle-même modifié la situation dans le sens souhaité par le requérant (il en a été ainsi, par exemple, pour le recours d’un parlementaire qui a obtenu, en cours de procédure, le rétablissement du droit d’être accompagné d’un journaliste et d’un collaborateur dans l’exercice de son droit de visite des établissements pénitentiaires) ou que le juge, dans une autre instance, avait déjà fait droit à la même demande. Dans certains cas, le dépôt d’une requête suffit en effet pour que l’administration, consciente de la fragilité de ses décisions, les rectifie de son propre chef sans attendre que le juge statue. Le 27% du total (255) des requêtes dans lesquelles l’administration a été invitée à défendre ont été rejetées. Quatre motifs correspondant aux conditions légales des procédures de référé-suspension et de référé liberté ont fondé, selon les cas, de tels rejets : le défaut d’urgence, l’absence de doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées, l’absence d’atteinte grave ou manifestement illégale à une liberté fondamentale ou le fait que les mesures demandées par le requérant ne pouvaient être mises en œuvre dans un délai justifiant une décision en urgence.

Enfin, 51 des requêtes ont débouché sur une suspension paralysant l’application de la règle contestée et/ou une injonction, par laquelle le Conseil d’Etat a exigé une modification des pratiques de l’administration ou de la réglementation applicable. Beaucoup de ces décisions ont été relayées dans les médias, car elles concernaient la vie quotidienne des Français : ainsi le rétablissement du droit de manifester, de l’enregistrement des demandes d’asile en Ile-de-France, de la possibilité pour les justiciables de se rendre chez leurs avocats même après le couvre-feu ou du droit pour les Français de l’étranger de revenir en France sans devoir invoquer un motif impérieux. Ainsi, également, la réouverture des lieux de culte puis la suppression d’une jauge inadaptée, l’interdiction du survol des drones pour surveiller les rassemblements sur la voie publique, la reprise des sorties pour les résidents des EHPAD, l’interdiction de recourir à la visio-audience pour les procès criminels, l’obligation faite aux pouvoirs publics d’édicter des règles lisibles pour délimiter les quartiers dans lesquels le port du masque est obligatoire ou encore d’indiquer publiquement que le vélo est autorisé pendant le confinement pour mettre fin à l’arbitraire des contrôles. Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples tout aussi concrets qui ont donné lieu, avec soin et pédagogie, à des brèves ou des communiqués de presse pour expliquer la portée pratique des décisions rendues.