vendredi 11 octobre 2013

DESTRUCTION DES TOURS: LE NOUVEAU MODÈLE




La vidéo
Cette vidéo est un luxe pour les espagnols. En effet, le six juin 2010, les trois tours de la cité des Indes à Sartrouville (Yvelines), comptant 251 logements, ont été démolies par foudroyage. En quelques secondes, les trois tours de 13, 15 et 17 étages se sont effondrées dans un épais nuage de poussière et de gravats. Le quartier des Indes compte 4.200 habitants, sur les 53.400 habitants de Sartrouville, au nord-ouest de Paris. Appeler quartier, il a été construit et connut, dans les années 1970, comme la Cité des Indes.

Années 60 et 70
Ce type de construction fut une réponse au nombre de gens à loger en France au début des années 70. Dans les villes, le logement inconfortable était encore très répandu dans les centres anciens. C’est pour cela que furent construits les logements sociaux qui deviennent très vite obsolètes. Résistants grâce au béton, les grands ensembles avaient un cadre de vie très contesté, dû aux conditions de logement.

Crise de 1975
Conséquence de la crise du pétrole de 1975, la loi de 1977 inaugure le désinvestissement de l’Etat du champ de la construction de logements. C’est le début de la ruine. Une grande partie de la population qui a droit á un logement social, d’après son niveau de revenus, n’arrive pas á y accéder par le biais d’attributions sélectives et discriminatoires. Une autre partie résiste dans les tours. En effet, la politique de rénovation urbaine a inauguré un cycle de démolition des logements sociaux et de renouvellement urbain par la construction privée ou soi-disant sociale. Ce n’est pas toujours du gout des habitants de la cité. Pour eux, c’est leur espace communautaire, leur identité. C’est pourquoi ils se sont parfois mobilisés dans le cadre de la «Coordination anti-démolition».

Le logement en Espagne
Pour la plus grande partie des espagnols, le logement est un luxe. Le logement social n’existe pas. Avec un énorme taux d’économie submergée, tous les systèmes publics de distribution des logements sont faussés. Donc, tout le monde croit que l’autre ne paye pas ses impôts. C’est vrai. Les grands tricheurs sont les grandes entreprises qui ne payent pas l’impôt des sociétés. Les citoyens le savent mais doivent payer un cher impôt sur le revenu. Comme ils ne peuvent lutter contre ça, ils essaient d’en participer. Donc, les mairies ont organisés la construction des logements sociaux axés sur la propriété. Le seuil public est offert aux entreprises qui construisent des  bâtiments « sociaux ».  

« Gagner » un logement social
Le logement social ne se loue pas. Il se vend. Le droit d’acheter un appartement est gagné dans un « spectacle public ». Normalement, ça se fait dans un pavillon sportif. Le public voit comment un notaire organise la loterie. Tout le monde a un « billet ». Les mérites sont très élastiques pour que quiconque puisse avoir le droit de participer. Le notaire garantie le système.

La situation
Donc, il n’y a pas de politique publique d’intégration clairement lisible au cours des années de politique de la ville. Il y a un déplacement sociologique évident. Les personnes âgées restent dans le centre-ville parce qu’ils n’ont pas les moyens économiques de partir. Les jeunes accèdent à la propriété des nouveaux bâtiments mal-appelés sociaux.  Les jeunes espagnols partent vers les quartiers neufs et laissent les anciens logements aux étrangers. Le discours sur l’intégration sociale reste un discours. Beaucoup de paroles, mais peu de projets. La xénophobie s’est installée là où les mairies ont abandonné leur devoir de gérer l’espace public.

Immigration
Avec la crise économique, le problème d’intégration sociale a changé. Beaucoup d’immigrants sont repartis dans leurs pays. De nombreux logements du centre-ville ont perdu leur valeur. Pour l’instant, les nouveaux espagnols nés de parents immigrés sont ceux qui ressentent le plus durement le racisme manifeste dans toutes ces discriminations. Quelques-uns d’entre eux le verbalisent et en font la base d’une action sociale et politique. La plus grande partie se réfugie dans le groupe identitaire et national. Le plus grand nombre méprise la revendication politique et s’adonne plutôt à des formes de contestation artistique. Quelles que soient les formes adoptées, elles sont généralement incomprises et négligées, voire caricaturées.

Conclusion
En France, mettre en avant la crise des quartiers est une manière d’éviter de faire face à la crise de société qu’elle révèle et de l’analyser autrement que par des amalgames simplificateurs. En Espagne, le chômage a grimpé à plus de six millions de personnes pour un pays de 45 millions.  Surtout à cause de l’effondrement du l’immobilier. Bien pire que la démolition des tours