lundi 1 septembre 2014

Espagne : Futur État fédéral

La crise espagnole n’est pas seulement une crise économique. Elle est bien liée á celle du monde économique occidental  et à un schéma européen incomplet de l’euro. En Espagne, elle a touché le secteur immobilier, le taux de chômage, la dette publique et le déficit public. Mais ce qui a vraiment bouleverser la politique nationale, c’est qu’elle a prouvé les limites de la constitution espagnole de 1978 harcelée par le nationalisme.

Bulle immobilière et crash financier
Il est vrai que la crise s’est déclenchée avec l’éclatement de la bulle immobilière. Cet effondrement a touché le secteur financier et bancaire du pays. Très fortement exposées au secteur de la construction, les caisses d’épargne n’ont pas pu résister les premières secousses du tremblement de terre provoquées par les mesures de redressement financier de l’Union européenne.


Le débat politique espagnol
En plus, soit disant qu’une crise est une opportunité de changement, l’Espagne devrait profiter de tous ces problèmes pour redessiner le schéma politique du pays. En effet, les deux grands partis politiques qui ont gouverné depuis 1978 sont très fortement rejetés par la population. Elle a pris conscience de l’historique de cette période. Lassés deux, les espagnols cherchent de nouveaux projets politiques qui puissent les aider à sortir de la crise. Comme le poids de l’histoire est très fort, la solution d’extrême droite n’est pas bien reçue. Cependant, d’autres projets sont bien écoutés. Au début de la crise, ce fut le parti « Union, progrès et démocratie » (UPyD), formé avec des anciens militants du parti socialiste (PSOE) et divers personnalités du centre gauche universitaire. Ils rejetaient les dégâts du gouvernement du Premier Ministre, José Luis Rodriguez Zapatero. Aux dernières élections européennes, le nouveau phénomène politique Pablo Iglesias et son parti Podemos ont fait un score impressionnant qui prouve le pays est face à une opportunité pour changer de route ou pour avancer mieux, autrement. Quand on parle de l’Espagne, je parle d’un pays avec 504.000 kms2. L’indépendance de Catalogne est impensable pour le projet de futur.  Ce serait la fin d’une identité qui n’aurait pas su respecter la différence entre territoires, langues et mentalités.

Catalogne : Une vraie région
La constitution de 1978 a approuvé un nouveau modèle de pays. L’État centraliste s’est organisé territorialement en communes, départements y en communautés autonomes. Toutes ces structures territoriales ont droit á l’autonomie pour gérer leurs intérêts (art. 137). Le tribunal constitutionnel a défini les limites de ces régions en maintes fois.  Elles font partie d’un tout, l’Espagne, qui les respecte et qui garantit leurs existences. En effet, ces territoires sont reconnus comme une forme de l’organisation territoriale de l’État.

Par rapport à d’autres communautés autonomes, la Catalogne se reconnait comme une communauté humaine caractérisée para la conscience de son identité culturelle, une volonté de bien faire les choses face á la laxité de Madrid, centre du gaspillage économique de l’État. Gérée par Convergencia y Union, un parti charnière à Madrid, la région de Catalogne maintient l’unité linguistique avec huit chaines de télévision publique qui coutent 292 millions d’euros. Sans la nommer puisque l’Europe se dit laïque, les dirigeants sont garants de l’unité religieuse autour de l’église catholique apostolique romaine. La Vierge de Montserrat est la patronne de Catalogne, vénérée par les autorités politiques et les chrétiens. Elle est installée dans le Monastère de Santa Maria de Montserrat, qui est localisé sur la montagne sacrée des Catalans. Dernièrement, elle fait partie des étapes importantes du tourisme à Barcelone.

Distinction entre État fédéral et État des autonomies
Pour enrayer le débat séparatiste des catalans, certains partis politiques ont avancé la solution fédéraliste.  Ce serait la grande opportunité de reconduire les confrontations politiques. Il est vrai que le sentiment nationaliste est bien enraciné. Les catalans sentent qu’ils paient les frais du mauvais fonctionnement de l’Espagne. Cependant cette explication est trop simple. Le parti au gouvernement de la Communauté Autonome de Catalogne, Convergence et Union (CiU) est le parti charnière du gouvernement de l’État. Le parti populaire (PP) et le parti socialiste (PSOE) ont eu besoin des députés de CIU au congrès de députés. La facture a été chère à payer pour l’Espagne puisque les efforts de décentralisation ont toujours provoqué des tensions énormes dans le reste de l’État. Du fait, cette magouille politique a provoqué de grandes zones d’impunité et de corruption qui apparaissent dernièrement.

Différence juridique
La principale différence entre la notion de communautés autonomes (à l'espagnole) et l'État fédéré, réside dans le fait que les communautés autonomes espagnoles ne disposent pas de l'indépendance judiciaire (Art. 149 de la Constitution alinéa 5 et art. 150). Par exemple,  aux États-Unis d’Amérique, les États disposent d'un ordre judiciaire chapeauté par leur propre cour suprême. Il existe un Tribunal fédéral qui s’occupe de certains faits contraires á la Constitution américaine.
Par contre, l'Espagne possède une organisation judiciaire commune pour les communautés et l'État central. Le pouvoir judiciaire est unique pour tout le pays. Les tribunaux de justice sont compétents aussi bien pour les faits relevant d'une loi autonome que pour les lois de l’État, tout comme le fixe le Titre VIII de la Constitution.
Pour les prérogatives, la distinction apparaît dans la distribution. Un État fédéral répartie strictement l'ensemble des prérogatives entre les constituants. Un État décentralisé les partage entre le centre et la périphérie.

L'Espagne n'est donc pas une fédération. Les communautés ne sont autonomes que dans l'aspect législatif et exécutif (Art. 148 premier alinéa). Il convient aussi de préciser dans une communauté autonome, le chef de l’État, le roi, nomme le chef du gouvernement régional, sur proposition du parlement monocaméral. La transformation de l’Espagne en Fédération produirait plus de problèmes que ceux qui pourraient se résoudre.

Conclusion
Pour en conclure, l’expérience politique espagnole a produit un pays fortement décentralisé. De nombreux problèmes se sont cachés sous les drapeaux « historiques ».  Certains politiciens en ont profité pour voler des chiffres scandaleux. Seulement quelques-uns d'entre eux ont fini en prison. Une fois dénoncés par l’opposition, les politiciens soupçonnés de corruption sont partis tranquillement hors du pouvoir.  La transformation de l’État décentralisé en Fédération oblige une révision constitutionnelle. Ce serait une aubaine pour l’impunité puisque le pouvoir judiciaire finirait dans la région. L’État central ne pourrait plus surveiller les délits commis dans les régions. Les impôts seraient toujours les mêmes, administrés par les mêmes serveurs publics. De plus, la citoyenneté ne verrait pas une amélioration de sa qualité de vie avec de meilleures écoles ou de nouveaux hôpitaux.